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avril 13, 2020

Bitcoin Still Not Dead?

Avec la récente chute du Bitcoin, dans un contexte particulier de pandémie et de krach généralisé, on a pu voir refleurir sur Twitter, entre autres choses, un meme séculaire. J’ai nommé : le fameux “Bitcoin Still Not Dead”.

Une affaire sérieuse

Avant de m’enfoncer plus profondément dans le sujet je tiens, en guise de préambule, à rassurer le lecteur qui, peut-être, croirait s’être égaré. Non, hearmeboar.fr n’est pas devenu, en l’espace de quelques semaines, un site d’infotainment traitant de memes et de petits chatons. Non, tout ceci est sérieux. Les memes disent quelque chose de nous, ils sont révélateurs de certains courants au sein des communautés qui les partagent. C’est le cas, à tout le moins, des memes sur Bitcoin.

Ce que je me propose donc ici de faire tient en quelques points : revenir sur le sens du meme “Bitcoin Still Not Dead”, sur son histoire, et pour finir m’attarder un peu sur une question : que signifie vraiment la phrase “Bitcoin est mort” ?

Suites d'un bal masqué - Jean-Léon Gérôme - 1857

Un peu d’histoire

Comme nombre de memes fleurissant au sein de la communauté Bitcoin, celui-ci est né en réaction face à l’adversité. Ici, le catalyseur est l’incompréhension et/ou l’acharnement de certains, et notamment de journalistes, à déclarer Bitcoin, le réseau, comme “mort”, et ce à chacun de ses soubresauts. Or, comme il y en a eu quelques-uns, des soubresauts, cela a donné au fil du temps quelque chose d’un brin cocasse : des centaines d’articles de presse annonçant sur un ton souvent retentissant la fin du protocole d’échange de valeur en pair à pair. Le site 99bitcoins.com s’est d’ailleurs amusé à rassembler l’ensemble de ces éloges funèbres, au nombre de 380 à l’heure où j’écris ces lignes. On se rend compte à lecture de ces pièces journalistiques d’anthologie que les causes de cette mort annoncée sont finalement assez variées : freins trop importants à l’adoption, chute du cours, concentration de la puissance de hachage, impact environnemental, attaques des gouvernements, hack d’une plateforme d’échange, spirale déflationniste à venir, etcetera, etcetera. En réaction à cette accumulation d’articles annonçant la fin de Bitcoin, doublée du peu de rigueur démontré par certains d’entre eux, la communauté à dégainé son arme favorite, l’humour, en forgeant ce même redoutable : “Bitcoin Still Not Dead”, “Bitcoin n’est toujours pas mort”, brandi à chaque fois que la presse s’égare de nouveau à prophétiser la fin du colosse.

Mais le but ici n’est pas de s’attarder sur le traitement médiatique de Bitcoin dans la presse traditionnelle. En effet, d’une part, cela n’aurait que peu d’intérêt et, d’autre part, celui-ci tend à changer, à mesure que les rédactions se forment de plus en plus (et de mieux en mieux) et prennent la mesure de l’ampleur du phénomène. Plutôt que se moquer des journalistes ne sachant que rester figés dans leur posture (souvent) infondée, accueillons à bras ouverts ceux qui se donnent la peine d’essayer de comprendre. Les critiques, légitimes, qu’ils formulent et formuleront au sujet de Bitcoin, n’en seront alors que d’autant plus constructives.

Où prendre le pouls de Bitcoin ?

Le but de cet “essai” est de se pencher sur une question, dont je laisse au lecteur le soin de juger de la pertinence : quels signes, quels indicateurs, permettraient d’affirmer que Bitcoin est bel et bien mort ?

Une première réponse, naïve, serait la suivante : le jour où le dernier nœud Bitcoin s’éteindra, alors Bitcoin sera mort. Cependant, à part catastrophe au niveau mondial, du type puissante décharge électromagnétique, qui grillerait toute l’électronique terrestre et orbitale, on a du mal à imaginer un tel scénario. En effet, même si pour quelque raison que ce soit internet venait à disparaître, cela ne signifierait pas obligatoirement la fin de Bitcoin, tant celui-ci est rendu résilient à cet égard par la possibilité d’envoyer et recevoir des transactions par satellite, ondes radio, voire de la main à la main.

Une seconde réponse possible serait : le jour où sa valeur retombe à zéro. On notera d’ailleurs au passage que ces deux signes potentiels de la mort clinique de Bitcoin sont liés, au sens où l’avènement de l’un entraînerait presque à coup sûr la survenue de l’autre. Cependant, avant de trancher sur la probabilité d’un tel événement et sur sa capacité à présager de la mort de Bitcoin, il faut d’abord répondre à quelques questions : qu’entend-on par “zéro” ? Zéro dollar ? Une acceptation nulle ? Tous deux sont à court et moyen terme assez peu probables : aussi longtemps que fonctionnera le réseau Bitcoin, il y aura toujours quelqu’un, quelque part, pour accepter de vendre une pizza en échange de 5000 bitcoins, créant ainsi à la fois une valeur pour le Bitcoin (0.0002 pizza) et une acceptation non strictement nulle. On arguera bien sûr que si Bitcoin venait à n’être accepté que de manière épisodique, et avec une valeur aussi faible, il ne serait guère mieux que mort. Ce n’est pas faux, mais le cas présenté ici est extrême, et je ne vois guère la valeur de marché du bitcoin repasser sous les 1000 dollars de si tôt : il y a trop de hodleurs de dernier recours pour que le prix ne descende plus bas, si ce n’est lors d’un passage éclair causé par des effets techniques (et notamment les liquidations lors de chutes trop brutales du cours).

Bien sûr, et Peter Todd le faisait récemment remarquer, il viendra un jour où Bitcoin ne vaudra plus rien : rien n’est éternel. Mais nous parlons alors d’échelles de temps si grandes qu’il y a fort à parier que le dollar l’aura précédé dans sa chute. De même que les diamants sont métastables et ne se transforment en graphite qu’à une vitesse indécelable à l’échelle de nos vies humaines, Bitcoin pourrait bien survivre à des générations d’hommes et de femmes avant de retourner dans les limbes d’où il a émergé. Ou pas. Elevez la température de plusieurs centaines, voire milliers de degrés, et la cinétique de la transformation du diamant s’en trouve modifiée : il perd alors à nos yeux l’apparence d’éternité dont il était drapé et retourne au graphite. Qui peut prévoir, après guère plus de 10 ans d’existence, la longévité de Bitcoin ? Ces premières années de règne ont certes démontré une incroyable résilience, même face à l’adversité. Et il y a de bonnes chances pour que cela dure encore longtemps. Mais nous sommes bel et bien largement au dehors du domaine de la certitude.

Que Bitcoin périsse, l’idée demeure

Quand bien même Bitcoin viendrait à disparaître, que ce soit parce que le réseau ne fonctionne plus, que sa valeur est tombée à zéro ou presque, ou que son adoption est quasi-nulle, il aura réussi le tour de force de démontrer qu’un autre système est possible. Satoshi Nakamoto ne s’est pas contenté de rêver d’un autre monde, ni même de le décrire. Il/elle/ils l’a bâti, non pas comme sa création exclusive, mais comme un bien commun, qui par définition lui survivrait. Et de même que Bitcoin a survécu à son créateur, l’idée de Bitcoin survivra à Bitcoin lui-même. S’il tombe, il sera toujours temps de le rebâtir, plus résistant, en apprenant des succès et des erreurs passés. Pour citer une scène bien connue de V pour Vendetta, où le héros révolutionnaire est acculé et survit aux balles qui sont tirées sur lui par les suppôts du gouvernement autoritaire :

“Sous ce masque il y a une idée. Et les idées sont à l’épreuve des balles.”

La mort de Bitcoin, si elle survient, sera sans doute ainsi : face aux vils vampires et aux vilains vandales d’un système vain et vacillant, elle aura tout d’une victoire.


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