Bitcoin, valeur refuge ?
Dans la traînée provoquée par l’épidémie de COVID-19 due au coronavirus SARS-CoV-2, une part significative de l’économie mondiale s’est vue littéralement soufflée : des milliards de dollars de valorisation, disparus du jour au lendemain. Le cataclysme n’a épargné aucun marché, toutes les bourses mondiales ont dévissé de concert. Mais, plus surprenant encore, des actifs considérés comme des valeurs refuges, comme l’or par exemple, ont également vu leur prix chuter ; et le Bitcoin, qui était jusqu’à maintenant considéré comme un actif décorrélé des autres marchés et, par certains, comme une valeur refuge à l’image de l’or, a lui aussi lourdement trébuché, plongeant jusqu’aux 5000 dollars par pièce et enregistrant ainsi une perte de plusieurs dizaines de pourcents.
Mais alors quoi ? Les actifs refuges n’en seraient-ils donc plus ? N’y aurait-il aucun échappatoire face à la dislocation de l’économie mondiale ? La réponse, bien entendu, est plus complexe qu’un booléen.
Bitcoin comme refuge
Pour bien comprendre la situation, il convient de prendre le temps d’étudier quelque peu le narrative érigeant Bitcoin comme valeur refuge face aux soubresauts de la finance traditionnelle : d’où il vient, et comment il s’est construit.
La représentation de Bitcoin comme un actif à part, décorrélé des marchés traditionnels et capable de constituer un havre de paix face aux tempêtes n’est pas nouvelle. Elle date même de l’inception du protocole : ce n’est pas un hasard si Satoshi Nakamoto, le/la/les créateur de Bitcoin, a inséré dans le premier bloc la une du Times du 3 janvier 2009 : Chancelor of Brink of Second Bailout for Banks.
Incorporer ces quelques mots dans le premier bloc de la chaîne Bitcoin permettait avant tout à Nakamoto de prouver qu’il n’avait pas commencé à miner avant la date annoncée (le 3 janvier, donc), car cela lui aurait permis de se constituer à faible coût un stock de bitcoins important, une pratique appelée premine qui a été employée par les créateurs de bien d’autres projets de cryptomonnaies postérieurs. Mais cela lui permettait également, au moins dans une certaine mesure, de signaler les défaillances du système financier et monétaire, et de souligner la réponse apportée par Bitcoin.
Cette réponse, à la fois technique et économique, est la suivante : un protocole d’échange de valeur en pair à pair sur internet, sans intermédiaire, résistant à la censure, où les écrits sont indélébiles et la lecture transparente, nourri par un consensus dynamique et distribué, et avec une émission monétaire fixe et connue de tous : les nouveaux bitcoins, émis à un rythme régulier à chaque nouveau bloc, avec une division par deux du nombre de nouveaux bitcoins par bloc tous les 210 000 blocs, jusqu’à attendre la limite de 21 millions de jetons créés en 2140. Pas de manipulation possible de l’offre monétaire. De l’or numérique.
Le narrative de l’or numérique, à la fois synonyme de valeur refuge et de réserve de valeur, s’est étoffé au fil du temps, à mesure que Bitcoin démontrait sa résistance aux intempéries et que son prix, bien que volatil, s’appréciait. L’offre capée de bitcoins (21 millions maximum), comparée à l’impression massive de monnaie par les banques centrales, laisse également entrevoir une croissance mécanique du prix à compter que la demande reste soutenue, comme le faisait récemment remarquer Maxime Pringent :
Enfin, l’apparente imperméabilité de Bitcoin face aux événements extérieurs (crise américano-iranienne, prémices de crise financière systémique avec le ratatinement de la Deutsche Bank, etc.) laissait entrevoir la perspective d’un actif décorrélé du reste de l’économie, ultime phare au milieu d’une tempête désormais inévitable.
L’heure des doutes ?
Sauf que : rien ne préparait l’économie mondiale à ce qui allait suivre : une pandémie de coronavirus, minimisée par nos gouvernants jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour éviter le désastre. Face à un tel événement, véritable cygne noir, le Bitcoin, taillé pour lutter contre les crises financières, et non pas sanitaires, a dégringolé avec les autres. Ses détracteurs n’ont pas attendu que la poussière soit retombée pour crier victoire : “regardez votre actif refuge, regardez comme il s’effondre”. Las, quelques jours après, c’est à l’or de décrocher, certes de manière moins spectaculaire, mais d’autant plus significative que le métal a des siècles de rôle de réserve de valeur à son actif.
On est alors bien forcé de se rendre à l’évidence, et d’admettre ce qui pourtant ne fait, à la réflexion, aucun doute : aucun actif, aussi résistant soit-il, n’est en mesure de résister de front à une pandémie globale, l’irrationalité des acteurs économiques en période de crise et leur besoin pressant de cash, les effets purement technique dus à l’automatisation algorithmique toujours plus grande des marchés financiers, et tant d’autres facteurs aggravants. Lors de tels conjonctures, les valeurs refuges ne sont pas celles qui ne tremblent pas : ce sont celles qui essuient le moins de pertes. Et, à ce titre, Bitcoin s’en sort plutôt bien.
Depuis le krach global, il est en effet remonté quelque peu des limbes où il avait chu, et ce sans aide d’aucun gouvernement et d’aucune banque centrale, alors que celles-ci impriment en masse des centaines de milliards (!) de dollars et d’euro pour tenter d’endiguer l’effondrement des marchés et des bourses. L’annonce prochaine de la mise en place de monnaie hélicoptère ne serait à ce titre pas si surprenante. Et Bitcoin serait alors là, toujours présent, le cœur battant au rythme de 6 pulsations par heure, pour faire ce qu’il fait finalement le mieux : nous offrir à tous une échappatoire, un bouclier, face à la folie inflationniste de nos gouvernants.
Bitcoin, refuge et parapluie
La situation sanitaire est très grave, le nombre de décès se comptera en dizaines de milliers, et il faut espérer que l’on n’aura pas à les dénombrer en centaines de milliers. Face à cela, Bitcoin n’est d’aucune utilité. Notre seule arme est le bon sens, la restriction volontaire et pro-active de ses déplacements au très strict minimum, la mise en place de gestes barrières. Mais dans l’après-crise, lorsque les banques centrales tenteront encore une fois de ranimer à coût d’électrochocs monétaires les géants déchus, le parapluie Bitcoin sera toujours là pour nous protéger de l’averse de liquidités. Plus que jamais un refuge.
Robin Cryptoast
mars 22, 2020 chez 3:36Très intéressant
themanbehindtheboar
mars 23, 2020 chez 11:07Merci !
galou
mars 22, 2020 chez 11:53Oui ben en attendant, on ne trouve plus d’or physique en boutique sauf à payer une prime astronomique. Cas type de l’once qui se négocie officiellement a 1400 euros mais en vente en boutique a 1600€.
Typiquement, écrire que l’or à chuté, c’est méconnaitre le marché de l’or : d’un coté, le marché synthétique qui a plongé. De l’autre le marché physique qui est en pénurie et se négocie a des prix stratosphérique.
Merci donc de ne pas bourrer le mou des lecteurs : l’or et l’argent restent des valeurs refuges.
themanbehindtheboar
mars 23, 2020 chez 11:02Hello Galou, merci pour votre commentaire. Effectivement, c’est une spécificité que je n’avais pris en compte. Cependant, il faut bien choisir une référence pour les prix, et cela conduit malheureusement à ignorer les échanges “over the counter” que vous décrivez. Notez qu’ils sont également ignorés pour Bitcoin dans mon analyse, et que l’accès à ces données est de toute façon assez compliqué. Qui plus est, difficile de se rendre en boutique pendant le confinement.
Enfin, mon but ici n’est pas du tout de diminuer le rôle de valeur refuge de l’or et de l’argent, bien au contraire ! Il s’agit simplement de souligner qu’il en est selon moi de même pour le Bitcoin comme valeur refuge face aux crises d’ordre économique ou financier (comme l’hyperinflation par exemple).
Merci d’avoir pris le temps de laisser un commentaire, et bonne semaine !
Jean-Jacques Gay
mars 23, 2020 chez 1:21Allez sur le site http://www.aucoffre.com